L’affaire Sakineh s’inscrit-elle dans le cadre d’une régression des droits des femmes ?
Chahla Chafiq. Le retentissement international de l’affaire de la lapidation de Sakineh a mis en lumière une situation qui dure depuis des années. Le Brésil dit vouloir accorder l’asile à cette femme mais ne réfléchit pas sur les causes d’une telle condamnation. Si les droits des femmes ne sont jamais respectés en Iran, c’est que la loi islamique est en vigueur.
Il y a discussion sur ces règles parmi les musulmans eux-mêmes, mais le pouvoir ne veut pas donner l’impression de reculer par rapport à la loi islamique. Car, en Iran, religion et État ne font qu’un. On ne peut espérer une amélioration des droits des femmes tant que continuera la fusion entre religieux et État. Dès lors que l’islam devient un islamisme, donc une idéologie, il y a fusion entre péché et délit. Et le corps des femmes y est perçu comme un lieu de péché. La lapidation devient mise en scène de cette idéologie. En Iran, toute la législation insiste sur l’infériorité des droits des femmes. Parmi celles qui sont condamnées, beaucoup sont aussi inculpées de meurtre. Le fait est qu’elles sont obligées de vivre avec un homme dont elles ne voulaient pas forcément. Ces femmes ne peuvent que difficilement divorcer, contrairement aux hommes qui ont la possibilité de répudier leur épouse. La tragédie de la lapidation cache les autres drames sociaux, politiques, qui touchent les rapports hommes-femmes. Ali Larijani a annoncé le 11 août que la lapidation de cette femme allait être commuée en peine de mort. Mais le problème est d’en finir avec ce châtiment, et donc avec la loi religieuse, c’est-à-dire avec l’instrumentalisation de l’islam pour des causes politiques et sociales.
La question des femmes est-elle un moyen pour le gouvernement de renforcer son influence ?
Chahla Chafiq. Les femmes deviennent un enjeu important. Ahmadinejad est sous la pression de ses propres alliés. Quand ils étaient en crise, tous les gouvernements iraniens ont fait quelque chose pour rappeler qu’ils étaient islamiques. Les vastes protestations populaires de juin dernier, qui continuent sous diverses formes, rendent la crise plus profonde que jamais.
Entretien réalisé par Gaël De Santis pour L’Humanité